mardi 15 juillet 2008

XI - Zazen > Mozart > Grégorien


A ce moment-là je ne me sentais plus appartenir à aucune communauté, je me sentais donc disponible tout en continuant à pratiquer assez régulièrement. Parallèlement je poursuivais ce qu’il est convenu d’appeler un développement personnel. Dans ce projet d’une recherche d’une certaine libération intérieure, d’un assainissement de ma psyché, j’ai entendu parler du travail du professeur Tomatis, ORL, « phoniâtre », spécialiste de la réparation et de la rééducation des voix de grandes stars du lyrique, du théâtre et du cinéma et qui avait pour originalité de soigner la voix en rééduquant l’oreille. Les applications des recherches de Tomatis se sont faites ensuite pour l’apprentissage des langues et l’aide aux enfants en difficulté scolaire. Mais il est apparu au professeur Tomatis en même temps que son travail avait des effets sur certains problèmes psychologiques des patients qui venaient le consulter et un développement a eu lieu dans cette direction. Je ne sais pas où en est la recherche à l’heure actuelle dans ce domaine. Tomatis qui pratiquait le yoga avait toute une théorie sur la posture du marteau, des osselets et de l’enclume de l’appareil auditif et il préconisait de travailler cette posture après des stages appropriés pour améliorer son équilibre, récupérer son énergie et augmenter ses capacités vocales. Il avait une autre théorie sur la célèbre difficulté touchant à l’infirmité des Français à apprendre les langues étrangères comme à produire beaucoup de grands chanteurs lyriques : après analyse des fréquences de chaque langue il avait constaté que les langues comme le russe ou l’italien par exemple étaient plus étendues et mieux équilibrées que la pauvre langue française… c’est quand même sympa pour les francophones qui arrivent à de piètres résultats malgré leurs efforts méritoires. Il avait également prévu les méfaits de la médiocrité des casques (et pas seulement du volume sonore) de tous les baladeurs sur les oreilles de la jeunesse.

Bon, pour revenir à la démarche pratique voilà ce qu’il en était : Après un examen un peu plus sophistiqué que celui que l’on vous fait avant votre service militaire, un diagnostic particulier était fait concernant à la fois le déséquilibre auditif entre les deux oreilles, et les manques dans le spectre sonore de votre voix. A la suite de quoi un traitement adapté à chaque cas était préconisé. Ce traitement, surprenant, consistait à faire écouter dans des écouteurs de qualité supérieure de la musique filtrée par un équaliseur perfectionné, en correspondance avec les trous de la bande passante de votre voix. La musique de Mozart ayant été analysée par Tomatis comme la plus riche en harmoniques et donc la plus énergétisante et la plus structurante pour la personne humaine, on entendait du Wolfgang Amadeus à longueur de séance de rééducation. Cela tombait bien j’adorais Mozart mais ce qui aurait pu être un grand plaisir musical, ne l’était pas toujours vu que la musique était filtrée, et que c’était finalement parfois assez éprouvant au point que des pauses étaient prévues dans cette Wolfgangomanie très particulière et ces pauses n’étaient pas forcément silencieuses. On écoutait alors …du Chant Grégorien (!) mais non filtré. Et je dois dire que c’était efficace et que cela faisait le plus grand bien, pas seulement à cause de la surprise et du changement, ce qui n’était pas rien. Il est vrai que ce chant, sans accompagnement instrumental, sans sophistication polyphonique, sans rupture de rythme brutal, sans dynamique contrastée, ces voix nues, sans effet dramatique, sans pathos, ce chant presque intemporel semblant venir de si loin, procurait un réel apaisement et le goût d’une sérénité que l’on avait bien envie de retrouver non seulement après chaque séance de « torture », mais aussi en dehors de ce contexte thérapeutique…
Cette expérience auditive m’a poussé à approfondir l’exploration de ce travail et j’ai fait par la suite un stage qui a été très profitable à mes capacités vocales autant dans la qualité du son produit que dans l’accroissement de la tessiture. Incomparablement efficace. La pratique du chant est devenue alors, imprévisiblement, aussi importante que celle du piano.

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